Mise à jour - le 31 décembre 2008

La crise financière, une aubaine pour les OCE
Tandis que les opérations publiques de renflouement des industries automobiles et financières ont stimulé les débats sur le rôle des gouvernements dans les marchés commerciaux, l’une des formes d’aides gouvernementales n’est qu’un point sur l’écran du radar : les organismes de crédit à l’exportation. Confrontés à l’intensification de la très grave crise financière, les gouvernements occidentaux se servent de leurs organismes de crédit à l’exportation (OCE) pour stimuler les liquidités et porter main forte aux industries en déclin. Lors de l’assemblée extraordinaire de l’Organisation mondiale du commerce le mois dernier, les gouvernements participants ont rapporté une augmentation de 30 % des exportations ces douze derniers mois. L’OMC en a même appelé èa davantage de crédit public pour réduire le fardeau qui pèse sur les banques commerciales.

Peu après, l’OCDE annonçait un accord avec les non membres, y compris la Russie et le Brésil, pour alimenter les marchés avec des crédits à l’exportation publics.Le gouvernement canadien se débrouille bien par rapport à ces engagements. Ce mois-ci, le pouvoir d’emprunt de EDC a été augmenté de 2 milliards de dollars et les sociétés d’État ont reçu 350 millions de dollars en capital-actions. EDC a été très occupé ce mois-ci : l’Agence a accordé au géant pétrolier brésilien Petrobras un demi-milliard de dollars en prêt, elle a soutenu les Chantiers Davie Yards Inc. avec 380 millions de dollars de Services Canada en financement et garanties, et a prolongé la renonciation à la compagnie Nortel, actuellement aux prises avec de sérieuses difficultés, pour l’aide financière de 750 millions de dollars accordée en 2003.

Le fait que le gouvernement s’appuie sur EDC durant la crise financière mérite une attention particulière. Cette année, Halifax Initiative a identifié un certain nombre de sujets de préoccupations concernant EDC, dans une soumission pour un processus d’examen de la législation sur le manque de transparence des opérations de l’Agence, sur son échec à obtenir que ses clients appliquent les « pratiques exemplaires » en matière de répercussions sociales et environnementales et sur son manque de politique explicite en matière de droits de la personne. Pour combler ces carences, nous proposons plusieurs réformes législatives que nous demandons instamment au gouvernement canadien d’adopter dans les meilleurs délais.


Soumission pour un processus d’examen de la législation de Halifax Initiative
http://www.halifaxinitiative.org/index.php/EDC_ECA_Reports/1096 (en anglais)


ONU vs. G1 /G20 lors de la Conférence sur le financement du développement
Après un processus de consultation qui a duré un an, et trois mois de négociations sur le texte, de nombreux participants de la société civile ont été très déçus lors de leur rencontre de Doha, Qatar, avec les représentants des gouvernements et les principaux partenaires commerciaux pour finaliser le document examinant la mise en œuvre du Consensus de Monterrey sur le financement du développement (voir la FAQ)

Malgré des efforts soutenus pour faire progresser le calendrier ayant trait à la fiscalité et aux fuites de capitaux, à l’aide au développement, aux mécanismes innovants pour le financement du développement, à la dette extérieure ainsi qu’aux questions commerciales et systémiques, peu de progrès ont été réalisés à Doha quant au vaste programme établi en 2002 lors de la Conférence de Monterrey (voir LES FAITS). Ce médiocre résultat est dû pour une large part au blocus des États-Unis, du Canada, de l’Australie et du Japon, instauré à l’encontre de la version plus progressiste du Consensus de Monterrey qui était présentée à Doha par le président de l’assemblée générale et appuyée par le Groupe des 77 et l’Union européenne.

Bien que les résultats de la Conférence aient été décevants et en dépit de l’opposition totale du Canada et des États-unis, les Nations Unies se sont entendues pour organiser au plus haut niveau une conférence internationale sur la crise financière et ses répercussions sur le développement. Même si les modalités de la rencontre ne peuvent être fixées avant mars prochain et si la conférence finale se déroule trop tard pour avoir un impact significatif, cette rencontre ainsi que la Commission d’experts (voir le Babillard) constituent cependant un coup de semonce en direction du Sommet du G-20 à Londres en avril 2009.


Lettre de ECA-Watch au groupe de travail de l’OCDE sur les crédits à l’exportation et les cautions (ECG) sur une proposition de consultation et d’examen par les pairs
http://www.eca-watch.org/problems/fora/oecd/documents/ECA_Watch_letter_to_OECD_ECG_21aug08.html


Défaut de remboursement de la dette de l’Équateur jugée « illégitime »
Après avoir retardé le remboursement de 30.6 millions de dollars US en intérêts dus sur les obligations Global Bonus 2012 venues à échéance à la mi-novembre, le Président de l’Équateur, Rafael Correa, a annoncé un mois plus tard que le pays ne rembourserait pas la dette, non pas parce qu’il n’était pas en mesure de payer (le pays possède une réserve de 5.65 milliards de dollars en liquidité), mais parce que les obligations originales étaient illégitimes. Cette annonce suit les recommandations du rapport de la Commission de vérification des crédits publics qui a estimé qu’une large part de la dette de l’Équateur contractée entre 1976 et 2006 était illégale ou illégitime (voir le bulletin Mise à jour de septembre 2008). Selon ce rapport, la restructuration a été effectuée sans décret de l’exécutif, ce qui a entraîné des taux d’intérêts exorbitants (10-12 %). Les obligations Global Bonus représentent une partie des 3.9 milliards de dollars de dettes commerciales extérieures restructurées en 2000 après le défaut de paiement du pays en 1999.

Ce mois-ci, le président de la Chambre des députés du Brésil a établi « une Commission parlementaire d’enquête pour analyser la dette publique des gouvernements aux niveaux national, fédéral et municipal. » Le Paraguay, le Vénézuela et la Bolivie ont également annoncé qu’ils allaient entamer des vérifications sur la dette.

Défaut de remboursement de la dette de l’Équateur : Exposé sur les lacunes existant dans l’architecture financière mondiale, Neil Watkins et Sarah Anderson, Foreign Policy in Focus (FPIF)
http://www.fpif.org/fpiftxt/5744


Babillard – Ce mois-ci…

  • Le 11 décembre, le lendemain du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, l’Assemblée générale a adopté par consensus le Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Le Protocole permet les plaintes individuelles de violations des droits de la personne en vertu du Pacte conclu avec le Comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels.
  • Après 17 mois d’enquête sur le barrage de Bujagili en Ouganda, le Panel d’inspection de la Banque mondiale a constaté que la Banque se gardait d’évaluer clairement la viabilité économique des projets, les répercussions des changements climatiques sur l’hydrologie des rivières et les effets cumulatifs de la multiplicité de barrages sur le Nil et sur le Lac Victoria. Le Panel a aussi identifié des risques dans l’accord d’achat d’énergie négocié entre le promoteur et le gouvernement. En raison de l’augmentation des coûts du projet, l’électricité est en passe de devenir un produit de luxe inabordable pour la plupart des Ougandais. La direction de la Banque a rejeté la plupart des conclusions du Panel d’inspection et le conseil d’administration a accepté le plan d’action de la direction. Le rapport complet (en anglais) est disponible sur : http://www.internationalrivers.org/en/node/3568
  • Le FMI a approuvé un accord d’un an avec le Malawi pour une somme de 77.1 millions de dollars US afin de faire face au choc des termes de l’échange dû à l’augmentation du prix des denrées alimentaires, du carburant et des engrais. Ce premier accord en vertu de la Facilité de protection contre les chocs exogènes du FMI soutient les pays à faible revenu qui font l’expérience de chocs externes hors de leur contrôle.
  • Lors de la Conférence sur les changements climatiques à Poznan, Pologne, 160 groupes ont publié une déclaration demandant un nouveau Fonds pour les changements climatiques en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La déclaration présente les principes nécessaires pour guider la formation de ce nouveau fonds. Disponible en ligne (en anglais) sur : http://www.ips-dc.org/articles/957
  • Le Président de l’assemblée générale des Nations Unies, Miguel d’Escoto, a publié des détails supplémentaires donnés par sa Commission d’experts sur les réformes du système financier et monétaire international. Cette Commission identifie les principes fondamentaux qui sous-tendent les réformes institutionnelles nécessaires, suggère un ensemble de propositions de réformes réalisables et analyse les avantages et les inconvénients des différentes solutions. La Commission va se réunir à New-York les 5 et 6 janvier, à Genève les 9 et 10 mars et à New-York en mars. Le rapport final est attendu pour avril. http://www.un.org/ga/president/63/letters/doha281108.pdf

Nouvelles publications du mois

  • « Brève : La Banque du Sud », Halifax Initiative, Décembre 2008. Un an après le lancement de la Banque du Sud en Amérique latine, quels sont les problèmes qui entravent le fonctionnement de la Banque du Sud ? Quelles sont les préoccupations permanentes ? Et quel est le statut de la Banque du Sud aujourd’hui ? http://www.halifaxinitiative.org/index.php/factsheets/1125
  • « Solutions miracles ou solutions réelles ? Réponses de la Banque mondiale et du FMI aux crises mondiales de l’alimentation et du carburant », ActionAid, Bank Information Centre, EURODAD (réseau européen sur la dette et le développement), Décembre 2008. http://www.eurodad.org/uploadedFiles/Whats_New/Reports/Quick Fixes or Real Solutions.pdf

Événements à venir

  • Conférence sur « Valeurs, développement et réglementation », organisée par Tony Blair et Nicolas Sarkozy, Paris, France, les 8 et 9 janvier 2009.
  • World Social Forum, Forum social mondial, Belem, Brésil, du 27 janvier au 1er février 2009.

LES FAITS : Résultats clés de la conférence sur le financement du développement
Réaffirmation de Monterrey – Doha a réaffirmé les objectifs de Monterrey pour « l’élimination de la pauvreté, la réalisation des objectifs de croissance économique et développement durables au fur et à mesure de la progression vers un système économique mondial équitable et pleinement inclusif ». Doha se positionne au-delà de Monterrey, déclarant que « l’égalité des sexes et le renforcement du pouvoir des femmes sont essentiels… pour amener à un développement effectif ». Les pays doivent favoriser la promotion de l’égalité des sexes par l’élimination de la discrimination sexiste et par le renforcement du pouvoir économique des femmes, incluant l’égalité de plein accès aux ressources économiques. Doha a également affirmé le caractère essentiel d’interdépendance du « plein emploi productif et d’un travail décent pour tous ».

Fiscalité – La Collectivité des petits organismes (CSO) espérait que des mesures énergiques seraient prises relativement à l’évasion ou à la fraude fiscale, à la fuite de capitaux, au surclassement de la Commission d’experts de l’ONU en Coopération internationale sur la fiscalité en un comité intergouvernemental à part entière, à l’introduction de politiques fiscales progressives, ainsi qu’à l’amélioration de l’administration fiscale et à son application. Mais au lieu de considérer ces mesures, les pays se sont entendus pour considérer que le système fiscal avait besoin d’être davantage « pro-pauvre » (le terme « progressives » a été enlevé), qu’une intensification de la coopération était nécessaire pour lutter contre l’évasion fiscale et que le Conseil économique et social (ECOSOC) envisagerait le renforcement de la Commission d’experts de l’ONU.

Aide au développement – La Collectivité des petits organismes espérait le renouvellement des engagements et de l’échéancier concernant l’objectif d’aide de 0,7 %, une plus grande prévisibilité en matière d’aide, l’utilisation maximale des systèmes des pays développés et l’appartenance démocratique des priorités de développement. Les pays ont renouvelé leurs engagements à l’objectif de 0,7 % (malgré les fléchissements récents), se sont entendus sur des délais de mise en œuvre (non pluri-annuels), et ont appuyé les principes d’appartenance nationale, d’alignement, d’harmonisation et de gestion des résultats. De nombreux participants ont ressenti que Doha ne rejoignait pas le Forum d’Accra sur l’efficacité de l’aide, qui a eu lieu en septembre dernier.

Dette – La Collectivité des petits organismes souhaitait un mécanisme permanent de médiation ou d’arbitrage en matière de dette qui soit juste, transparent et indépendant, une annulation plus importante de la dette et des discussions approfondies sur les dettes illégitimes. Doha a analysé la responsabilité partagée (créancier et débiteur) pour l’allègement de la dette, et a demandé un « mécanisme de restructuration de la dette » mais sans faire cependant référence à une médiation ou à un arbitrage et en laissant un rôle prépondérant à la Banque mondiale et au FMI. Aucune allusion n’a été faite aux dettes illégitimes.

Conférence internationale – La Collectivité des petits organismes souhaitait une conférence internationale aux Nations Unies sur la crise financière. Afin de garantir que tous les pays puissent effectivement participer aux discussions sur les structures économiques mondiales, les pays se sont entendus pour organiser « une conférence au plus haut niveau sur la crise économique et financière mondiale et sur ses répercussions dur le développement », selon des modalités qui devront être décidées en mars 2009.

Suivi – L’ONU devra contrôler les différents engagements et engager un processus de suivi en 2013.


Déclaration de Doha sur le financement du développement
http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/CONF.212/L.1/Rev.1