Mise à jour - 31 janvier, 2012

Pauvreté énergétique, climat & Banque mondiale
Les Nations-Unies ont désigné l’année 2012 Année internationale de l’accès à une énergie durable. L’accès à l’énergie, dont les effets sur la santé, l’égalité des sexes et les changements climatiques sont considérables, est la pierre angulaire du processus qui permet de répondre aux besoins en matière de moyens d’existence essentiels. Dans les pays du Sud, 2,7 milliards de personnes comptent sur la biomasse traditionnelle pour cuisiner. Le bois, le charbon et les résidus agricoles utilisés dans les poêles rudimentaires causent plus de 1,5 million de décès par an dus à des maladies pulmonaires chroniques et à la pneumonie infantile. La déforestation en Afrique sub-saharienne, une des sources principales d’émission de CO2, est principalement due à l’utilisation du bois pour la faire la cuisine et produire le charbon.

L’Agence internationale pour l’énergie estime que des investissements annuels de 34 milliards pendant les deux prochaines décennies sont nécessaires pour résoudre le problème de la pauvreté énergétique. Bien que la Banque mondiale soit l’organisme chargé de la lutte contre la pauvreté, 9 % seulement de son portefeuille énergétique en 2009 et 2010 a servi à cibler l’accès à l’énergie pour les populations les plus défavorisées. L’accès à l’énergie sert souvent de justification à des projets à grande échelle axés sur les combustibles fossiles. Les projets d’utilisation du charbon en Inde montrent que les communautés rurales doivent faire face aux effets nocifs sur la santé et aux déplacements engendrés par les investissements importants dans les combustibles fossiles, et qu’elles ne bénéficient aucunement d’une amélioration de l’accès à l’énergie qui est plutôt transportée vers les centres urbains et industriels, les contournant totalement.  

Malgré une campagne vigoureuse des OSC durant la récente analyse de la politique énergétique de la Banque, visant à en réorienter la stratégie vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, la Banque mondiale continue à financer les projets axés sur les combustibles fossiles En 2010, elle a accordé un prêt de 3,75 milliards de $ pour l’une des plus grandes centrales à charbon du monde en Afrique du Sud. Si la Banque a répondu aux préoccupations des OSC en arrêtant de financer les projets axés sur le charbon dans les pays à revenu intermédiaire, elle a déclaré qu’elle continuerait à les financer dans les pays pauvres. Pendant ce temps, les projets à plus petite échelle pour les énergies renouvelables prennent du retard (voir LES FAITS).


Post-mortem : La Conférence de Durban sur le climat  
La Conférence de l’ONU sur les changements climatiques en novembre et décembre 2011 à Durban, Afrique du Sud, n’a pas réussi à apporter de solutions aux changements climatiques.

À Durban, les pays du Nord et du Sud ont exprimé leurs vues divergentes quant à un plan juste et efficace sur les changements climatiques. La première période d’engagement du Protocole de Kyoto visant à atteindre les objectifs d’émissions expire en 2012. Les pays du Sud ont demandé une deuxième période d’engagement pour réduire les émissions débutant en 2013. Alors que l’UE et la Norvège confirmaient leur appui en faveur d’un renouvellement de l’engagement dans le cadre de Kyoto, bon nombre des principaux pays émetteurs l’ont refusé. Le Canada, signataire de Kyoto, s’est officiellement retiré du Protocole à la fin de la Conférence. En l’absence d’engagements des principaux pays émetteurs, le Protocole de Kyoto a été sérieusement et peut-être fatalement touché.

Le principal résultat de la Conférence a été « la Plateforme de Durban », une entente d’élaboration d’un traité sur le climat qui sera mis en place en 2020. Les pays du Sud ont tenté de s’assurer que le principe des responsabilités communes mais différenciées («CBDR»), un des fondements du Protocole de Kyoto, soit mis au centre de la Plateforme de Durban. Selon ce principe, les pays du Nord reconnaissent qu’ils ont contribué le plus aux changements climatiques et qu’ils ont une plus grande responsabilité dans la réduction des émissions, Mais le principe a été bloqué par les pays du Nord, particulièrement par les USA.

Les pays du Sud s’attendaient également à Durban à des engagements concrets du Fonds vert pour le climat, un mécanisme de la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC) pour financer les activités d’atténuation et d’adaptation dans le Sud (voir la Mise à Jour de juin 2011). Mais les pays du Nord doivent encore remettre les 100 milliards de $ du financement à long terme promis lors de la Conférence de Copenhague.

Il n’y a eu aucun progrès ni même de débat sur les sources innovantes de financement, telles que la Taxe sur les opérations financières (TOF), une taxe de moins de 1 % payée par les institutions financières qui génèrerait des milliards pour financer les activités d’atténuation et d’adaptation dans le Sud. La TOF a été proposée par plusieurs délégations mais vite rejetée par d’autres. Néanmoins, un consensus est en train de se former pour l’adopter, avec l’adhésion de nouveaux pays tels que l’Afrique du Sud.

La Banque mondiale est actuellement l’administrateur provisoire du Fonds vert pour le climat, une position qui semble s’être transformée en titre permanent à Durban. Cependant, les participants à la Conférence ont décidé que l’administrateur du Fonds serait sélectionné selon un processus d’appel d’offres ouvert. Les pays du Sud se sentent exclus des décisions de la Banque mondiale, des prêts de la Banque qu’elle accorde plutôt à des projets axés sur les combustibles fossiles et de son favoritisme pour le secteur privé.  


Durban’s Climate Debacle: Institute for Policy Studies.
http://www.ips-dc.org/articles/durbans_climate_debacle  (en anglais)

COP17 in Durban: A Largely Empty Package. Heinrich Böll Foundation.
http://www.boell.org/web/index-A-Largely-Empty-Package.html  (en anglais)


Babillard – Ce mois-ci …
  • Le mandat de président de la Banque mondiale de Robert Zoellick se termine cette année, et pour beaucoup il se retirera. Les OSC remettent à nouveau en question la tradition de nommer un Américain à ce poste en argumentant qu’un candidat ayant une solide expérience internationale dans les activités de lutte contre la pauvreté devrait être nommé.
  • En novembre 2011, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé un nouveau Groupe de Travail sur les droits de l’homme, les sociétés transnationales et autres entreprises. Le Groupe a sollicité d’autres opinions quant à son agenda et, en décembre dernier, ECA-Watch a soumis une recommandation officielle pour que le Groupe exerce sa vigilance sur les crédits à l’exportation et les droits de l’homme.  http://halifaxinitiative.org/sites/halifaxinitiative.org/files/ECA-Watch...

Événements à venir…

  • Les 27 et 29 février, le Pr. Léonce Ndikumana, co-auteur de Africa’s Odious Debts: How Foreign Loans and Capital Flight Bled a Continent, donnera une conférence à Ottawa et Montréal. Pour plus d’info, contactez le bureau de HIC 613-789-4447.
  • Les 29 et 30 mars, une coalition d’organisations canadiennes, y compris l’Initiative d’Halifax, organise un Sommet sur la fiscalité équitable / Fair Tax Summit à Ottawa.  Parmi les intervenants, des activistes du Réseau mondial pour la justice fiscale en Europe et en Afrique. Pour plus d’information : www.taxfairness.ca

Nouvelles publications…

  • Who Will Control the Green Economy? Rapport du groupe ETC, décembre 2011. Cette publication est un avertissement sur le risque de confiscations des terres dans le contexte de l’agenda sur « l’économie verte » au prochain Sommet du G20 à Rio en juin 2012. http://www.etcgroup.org/en/node/5296
  • Corporations, Climate and the United Nations, Polaris Institute, novembre 2011. Un document expliquant comment les sociétés influencent les négociations de l’ONU sur le climat. http://www.polarisinstitute.org
  • Exporting Goods or Exporting Debts? Export Credit Agencies and the roots of developing country debt. Eurodad, décembre 2011. Les garanties de crédits à l’exportation sont à l’origine de la dette de la plupart des pays en voie de développement. Selon Eurodad, la dette de ces pays est due envers quatre pays européens, et environ 80 % de la dette des pays pauvres aux autres gouvernements vient des crédits à l’exportation et non des prêts pour le développement. http://eurodad.org/?p=4735

Les Faits : La Banque mondiale finance les combustibles fossiles
La Banque mondiale continue à financer les projets axés sur les combustibles fossiles aux dépens des investissements dans les énergies propres et renouvelables. Les initiatives d’énergie renouvelable sont des programmes pour les communautés défavorisées et sont avantageuses pour tous. Elles fournissent aux communautés hors réseau l’accès à l’énergie et atténuent les changements climatiques qui affectent les plus pauvres d’une manière disproportionnelle. Durant les dix premiers mois de l’année 2010, le financement des combustibles fossiles par le groupe de la Banque mondiale a atteint le niveau record de 4,7 milliards de $.

Grâce aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, il existe de nombreux exemples de solutions qui sont viables et économiques pour les communautés rurales démunies :

  • À petite échelle, l’accès à une énergie renouvelable efficace peut faire une grosse différence dans la vie des femmes vivant en milieu rural. La tâche pénible du ramassage du bois revient souvent aux femmes et aux filles, une barrière à l’éducation et à l’emploi. L’efficacité énergétique des poêles de cuisine réduit les besoins en bois et en charbon. Les poêles au biogaz sont aussi une option efficace.
  • À petite échelle, l’électricité fournie par de l’énergie solaire est utile pour réfrigérer vaccins et médicaments dans les cliniques rurales. Les téléphones cellulaires dans les zones rurales peuvent fournir aux fermiers locaux des informations utiles sur les marchés agricoles mais ont besoin d’électricité pour être rechargés. Un éclairage simple peut prolonger les heures d’activités de production dans les familles démunies
  • À petite échelle, les technologies éoliennes, solaires et l’hydroélectricité conviennent très bien dans les zones hors réseau. De petites unités hydroélectriques peuvent fournir du courant pour de simples systèmes d’irrigation et pour l’usage domestique. 
  • Les énergies renouvelables créent plus d’emplois par dollar investi que le charbon ou le gaz naturel. Les énergies renouvelables créent des emplois pour leur propre construction et fabrication, pour leur installation et leur entretien.
  • Grameen Shakti, une entreprise sans but lucratif du Bangladesh, espère installer un million de systèmes solaires domestiques et créer 100 000 emplois de techniciens et de spécialistes en entretien pour les jeunes et les femmes.

Décentralisée, les énergies renouvelables ne sont pas des solutions temporaires. Elles peuvent répondre à des besoins essentiels en remplaçant des technologies sales et onéreuses. Cependant, les acteurs de la société civile préviennent que certaines formes d’énergies souvent qualifiées de renouvelables, tels que les biocarburants, peuvent, malgré leurs avantages, provoquer le déplacement de communautés marginales sans leur consentement. Des corporations sont actuellement en train de confisquer massivement des terres dans de nombreux pays africains.


Oil Change International: Access to Energy for the Poor: The Clean Energy Option. http://priceofoil.org/educate/resources/access-to-energy-for-the-poor-th...

International Institute for Environment and Development: Rising demand for renewable energy could drive more land grabs. http://www.ied.org/natural-resources/media/rising-demand-for-renewable-e...

Bretton Woods Institute: World Bank clings to fossil fuels, stumbles on clean energy. http://www.brettonwoodsproject.org/art-566379